Quand les fiançailles valaient mariage

De tout temps, on se demandait, mais pourquoi, il y a des enfants avant le mariage, voici une des raisons… Comme quoi nos ancêtres pratiquaient bien avant l’heure, les essais… Mais attention aussi, à l’opposition au mariage ! ! !


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Autrefois, les fiançailles étaient largement permissives, pour des raisons qui choquaient les uns et arrangeaient les autres.

Moeurs :

Dans la pratique, les fiançailles permettent de « fleureter », de « mugueter » ; François de Sales en a d’ailleurs marqué les limites supportables dans son « Introduction à la Vie dévote » (1609), dans un chapitre intitulé « Des amourettes », destiné, il est vrai, aux femmes de l’élite. Mais les milieux populaires sont fidèles à certains impératifs ou tabous, peu liés au christianisme. L’une des pratiques consiste notamment à vérifier, avec l’accord des familles, la fécondité du jeune couple, qui est l’une des finalités du mariage. Preuve faite, on peut alors célébrer le mariage. Ce n’était donc pas un inconvénient de cohabiter tout de suite ensemble et de consommer le mariage avant l’accomplissement des formalités définitives. Ainsi, jusqu’au début du XVIIe siècle, chez les paysans, les fiançailles peuvent être l’occasion de se mettre en ménage sans attendre. Certaines régions de France ont longtemps conservé ces coutumes. Les Basques, par exemple, ont pratiqué notre mariage à l’essai avant l’heure. Ils ne rédigeaient de contrat de mariage et ne recevaient la bénédiction nuptiale qu’après avoir longtemps vécu avec leurs futures épouses, avoir sondé leurs mours et vérifié leur fertilité. De même en Corse, où l’on est pourtant pointilleux sur l’honneur, les fiançailles donnent lieu à un repas entre les deux familles, à l’issue duquel le fiancé reste vivre avec sa fiancée, chez les parents de celle-ci. Il est dès lors considéré comme étant de la famille. Si la récolte des châtaignes et la tonte des laines sont bonnes, alors on se mariera ! Du même coup, un mariage est aussi un acte de reconnaissance et de légitimation d’enfants. Cela dit, la Corse est une île et n’est française que depuis 1768. Les régions devenues françaises plus tardivement recevront l’influence de notre clergé, avec un ou deux siècles de décalage..

Jean-Louis Flandrin rapporte que les fiançailles passent pour mariage, lorsqu’elles sont suivies de l’accouplement des parties avec l’affection conjugale, c’est-à-dire avec l’intention de consommer le mariage.

Thomas Sanchez, jésuite espagnol, auteur d’un traité sur le mariage en 1602, conclut : Je tiens pour certain que ce n’est pas un péché mortel de consommer avant les bénédictions à l’église et je tiens pour probable que ce n’est pas même véniel. Bien plus, je crois que c’est quelquefois un sage conseil de le consommer avant les bénédictions, par exemple lorsqu’il y a péril d’incontinence. Il fut attaqué par les Janséniste, dont Pascal, pour sa casuistique laxiste, mais la communauté ancienne ne se formalise pas de ces privautés prénuptiales, maraîchinage ou autres cache-cache Nicolas pouvant aller jusqu’à la cohabitation, encore que cette dernière n’ait pas toujours été sexualisée.

Lorsque les jeux entre futurs vont trop loin, ils aboutissent donc à des conceptions prénuptiales, lesquelles, à l’époque classique, sont relativement modérées, allant de 4 à 7 % des conceptions selon les lieux. La « faute »apparaît légère à beaucoup, considérée comme un acompte au civil, mais péché mortel au religieux. La morale sociale les tolère cependant, dans la mesure où le mariage vient à temps régulariser la situation, mais l’église, obsédée par l’idée du péché, les condamne.

Réactions de l’Eglise :

Pour toutes ces raisons, l’Eglise n’aime pas les fiançailles et dicte une modification des habitudes anciennes, au détriment des gestes festifs et superstitieux. Elles impose une discipline aux fiançailles qui sentaient trop le paganisme et s’efforce de les christianiser le plus possible. Curés, prédicateurs, missionnaires, visiteurs, directeurs de consciences et spirituels, rigoriste ou laxiste, tonnent dans les paroisses, en chaire et dans les catéchisme, contre ces mauvaises habitudes.

Evolution des fiançailles :

Progressivement, les évêques déconseillent les longues fiançailles et ils obtiennent que l’on rapproche leur date de celles de la bénédiction nuptiale. Les statuts épiscopaux parisiens de 1503-1509, qui limitent donc à 40 jours, sans prolongation possible, le délai toléré entre publication des bans et célébration du mariage, entendent ainsi diminuer les risques de relations entre fiancés avant la conclusion du mariage (péché mortel).

L’Eglise n’est pas intervenue partout de façon générale. La législation épiscopale reprend les usages locaux, soit pour leur donner plus de poids, soit au contraire pour les réprouver. C’est pourquoi les coutumes varient d’un diocèse à l’autre. Par exemple, des prélats janséniste (catholiques les plus rigoureux au XVIIe siècle) les interdisent et, dans certaines régions (Languedoc ou Provence), les fiançailles n’existent pas. Ailleurs au contraire, dans la France du Nord, en Bretagne, dans le Massif Central, elles sont obligatoires et donnent lieu à une cérémonie à l’église, avec bénédiction de la bague, en présence de quatre témoins. A Bordeaux, elles sont exigées sous peine d’excommunication. Les statuts synodaux de Mâcon, Saint-Malo et Maillezais condamnent l’usage de les conclure au cabaret !

En 1612, les fiançailles sont supprimées dans certains diocèses. Depuis 1639, elles doivent se faire par écrit pour servir de preuve. Au XVIIe siècle, les évêques décident de faire célébrer les fiançailles deux ou trois jours avant le mariage. Ce qui aboutit à diminuer les conceptions prénuptiales. Même conseil au XVIIIe siècle, toujours dans la même crainte de relations prénuptiales. Certains engagent même à se fiancer la veille seulement. Le délai entre les décrets et leur application dans la coutume a été plus ou moins long, avec des nuances selon les niveaux sociaux, selon les régions plus ou moins éloignées de Paris, selon les villes ou les campagnes, dans les diocèse tardivement rattachés à la France (Corse, Pays Basque) ou encore des régions à l’écart, où les normes sont particulières (isolats, îles, presqu’îles, vallées montagneuses fermées .). Globalement, en France, on constatera donc une lente dégradation des fiançailles religieuses entre 1650 et 1750.

Chez les protestants, afin d’éviter les unions clandestines, le droit de Genève (Calvin, 1560) prévoyait deux étapes : les fiançailles (ou promesse) qui fondaient pleinement le mariage, sans consommation, et six semaines ou quarante jours plus tard, avec trois publications de bans, le mariage solennel qui se déroulait en face de l’église. Au synode protestant de Privas, en 1612, les promesses de fiançailles ne fondent plus le mariage. Les assimilé aux paroles de futur, l’engagement à donner son consentement ; mais il ne s’agit plus du consentement lui-même. Ainsi l’évolution du sens des fiançailles est parallèle chez les protestants et les catholiques, et sans les deux cas, les fiançailles sont vidées de leur contenu.

En conclusion, les fiançailles avaient bien sûr une odeur de paganisme et il est extraordinaire que l’Eglise ait eu la volonté de réduire des rites datant de plusieurs siècles. Le plus fort est qu’elle y soit arrivée en à peine deux siècles (après cinq siècles, il est vrai, de préparation théorique). Les fiançailles perdent progressivement, au XVIIe siècle, la force de loi qu’elles avaient alors jusqu’alors. La donation des corps se voit supplantée par le sacrement de mariage ».


De ce fait, ne plus s’étonner des naissances avant mariage.

Tiré de « La Revue Française de Généalogique », le n° hors série sur « Le mariage du XVIe au XIXe siècle ».

 

 

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